vendredi 6 novembre 2015

Un roi à New York (Charles Chaplin, 1957)

 
Un roi à New York a été jugé mou, sans humour, revanchard et vieillot à l’époque de sa sortie en 1957. Tourné après Le Dictateur, après Monsieur Verdoux et Les Feux de la rampe, Un roi à New York est le premier film de Chaplin en exil, puisqu’il s’est enfui des Etats-Unis pour ne pas avoir à s’exprimer devant la Commission Mc Carthy des activités anti-américaines. Accusé d’être communiste, ce qu’il ne fut pas bien qu’il est des sympathies pour les indigents, sympathies tout à fait légitimes compte tenu de son personnage de Charlot, incarnation du prolétariat et du défi au monde aliénant du travail.

Ce roi chassé de son pays d’Europe de l’est par des révolutionnaires, c’est le Roi Shadowe (Charles Chaplin), nom qui évoque le fait qu’il est déchu, qu’il n’est plus que l’ombre de lui-même. Mais, c’est une manière pour Charles Chaplin de dire définitivement adieu au personnage de clown burlesque, car il reste quelques gags dans le film, celui dans la cage d’ascenseur où se prend le doigt dans la lance incendie, celui au restaurant où le percussionniste le frappe sur le crâne, ils se font toujours au dépends du personnage du roi.

Charles Chaplin lui cherche à stigmatiser les hypocrites de la télévision qui utilise le roi comme appât dans un repas où les convives donnent dans leurs conversations des marques de publicité. Pour le cinéaste des Temps modernes, l’époque innocente du divertissement est définitivement terminée. Il n’y a de place que pour l’abrutissement général des masses. De la même manière, lorsqu'il se rend au cinéma, les bandes annonces vues avant le film sont toutes stupides (et en cinémascope) montrant que de la cinéma de l'époque est strictement industriel.

Mais le film ne serait pas grand-chose sans le personnage du petit Ruppert (Michael Chaplin, le fils du cinéaste). Le roi Shadowe est convié à visiter une école américaine. Il entre en grande conversation avec un enfant qui lui débite des slogans, qui pour n’importe quel spectateur un tant soit peu averti, correspondent à des formules de l’idéologie communiste. Bien que particulièrement fustigé et humilié, le roi va se prendre de sympathie pour ce garçon, qui se réfugie chez lui après l’arrestation de ses parents accusés d’intelligence avec l’ennemi.

On sent chez le petit Ruppert toute la misère du monde s’abattre sur lui, tout le poids de l’injustice qui pèse sur un enfant qui n’a pas eu le temps de grandir. Le reproche que fait Charles Chaplin à l’Amérique qui l’a accueilli, c’est non seulement celui de pratiquer une chasse aux sorcières aveugle et incohérente, mais surtout celui qu’une démocratie puisse priver des citoyens de leur liberté au nom de la liberté. Ce qui est encore plus émouvant pour nous, spectateurs, dans Un roi à New York, c’est de savoir que Ruppert est interprété par son fils, et de penser que ce jeune enfant aurait pu se retrouver dans cette même situation.













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