jeudi 5 novembre 2015

Nous 3 ou rien (Kheiron, 2015)

Ce à quoi j'ai assez vite pensé en regardant Nous 3 ou rien, c'est au Viager, ce film de 1972 écrit par René Goscinny et réalisé par Pierre Tchernia. Il y était narré la vie d'un homme sur lequel glissait, telle l'eau sur les plumes d'un canard, le temps, l'époque et la violence des autres. Le personnage de Hibat (Kheiron) est aussi bon que celui de Michel Serrault. Quand il est en prison pendant sept ans pour avoir demandé au Shah d'Iran un peu de démocratie, quand il est isolé des autres prisonniers parmi lesquels ses frères, quand il aide les jeunes délinquants de Stains, Hibat arbore toujours la même voix douce, le même regard apaisé et le même sourire. Un homme qui subit. Kheiron illustre la vie de ses parents dans son premier film en jouant précisément son père. Sa mère Feresteh est incarnée par Leïla Bakhti qui est l'inverse de son époux, une femme qui agit. D'ailleurs quand le père de Feresteh accepte le mariage, dans l'Iran monarchique, il avertit Hibat que la prison de ce mariage sera plus difficile que celle du Shah. Ce père c'est Gérard Darmon, superbement émouvant et drôle, toujours au bon moment, son épouse c'est Zabou Breitman. Un choix de casting gagnant mais qui vole la vedette aux deux jeunes acteurs.

Comme dans le film de Pierre Tchernia, l'humour est bon enfant et dénué de tout cynisme. Les personnages négatifs ou porteurs de mauvaises actions n'ont jamais d'humour, logiquement. Ou ils sont limités au sarcasme, tel le Shah incarné par Alexandre Astier comme s'il jouait César dans une aventure d'Astérix. L'humour joue sur les gags récurrents plus que sur les situations (forcément). Le film est constitué d'une suite de saynètes cocasses sur le parcours du couple et de leur nourrisson (c'est eux le « nous 3 » du titre) dans l'Iran du Shah puis de Khomeiny (Hibat, communiste, est toujours dans l'opposition et donc l'ennemi de l'Etat) pour traverser le Kurdistan enneigé et arriver en banlieue française. On pourrait reprocher au film sa démagogie, son bon esprit constant et ses bons sentiments, ce serait oublier que Kheiron ne fait pas œuvre d'historien pas plus qu'Astier ou Goscinny. Il est au contraire dans l'esquisse (le mot français pour sketch), il fait œuvre de caricaturiste et s'il propose de nombreux clichés sur les « quartiers », il est probable qu'il en fait de même sur l'Iran (mais ça on ne le sait moins). Plus que l'ancrage dans l'Histoire et le Social, c'est la description de personnages pittoresques que réussit le film. Hibat apprendra en France à cesser de toujours subir et à enfin agir.

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