mercredi 4 novembre 2015

Calculs meurtriers (Barbet Schroeder, 2002)



« Tu ne dois pas t’identifier à la victime, tu dois t’identifier au tueur », dit le chef des flics à l’inspecteur Cassie Mayweather (Sandra Bullock) qui est en train d’enquêter sur « Emilie », appelant la victime par son prénom. Le nom des gens est une des choses importantes dans Calculs meurtriers, dernier film hollywoodien à ce jour de Barbet Schroeder (j’espère que ce ne sera pas le dernier). Cassie a deux autre noms qui cachent volontairement sa personnalité à son nouveau collègue, le candide et distingué flic de la mondaine Sam Kennedy (Ben Chaplin). Ses collègues l’appellent « la hyène », avec une rare élégance, Cassie explique que comme l’animal charognard, elle un vagin qui ressemble à une bite. Cassie a aussi un vrai nom, Jessica Marie Hudson, son nom d’épouse, comme on l’apprend en cours de film. Son époux la battait tant qu’il a failli la tuer. Elle doit maintenant témoigner pour une éventuelle libération sur parole. Cela explique qu’elle refuse de se mettre à nu, au sens propre quand elle couche avec Sam (elle est couverte de plaies), comme au sens figuré : il lui faudra du temps pour comprendre que l’enquête qu’elle mène est proche de ce passé qu’elle a enfoui mais que Barbet Schroeder choisit de raconter dans un flash-back fordien, c’est-à-dire par l’unique pouvoir de suggestion du dialogue de Cassie que l’on peut raccorder aux quelques images de cette femme ensanglantée vue plus tôt.

Cette enquête donc. Une femme assassinée au bord d’une rivière. Elle a été étranglée, un doigt a été coupé, elle est allongée dans un sac plastic. Assez vite, Sam Kennedy et le chef des flics, tout comme le procureur, conclut que tout cela est l’œuvre d’un sérial killer. Parfait, l’affaire est vite emballée. Si on ne trouve pas d’empreinte digitale, on découvre un poil de singe et un fil de tapis, assez pour mener directement au concierge du lycée, par ailleurs dealer de drogue pour les ados du coin. Cassie trouve que tout cela est mené un peu trop rondement. Et elle a bien raison puisque depuis le début du film, on sait qui sont les auteurs du meurtre. Comme dans Le Génie du mal et Swoon, Calculs meurtriers reprend l’idée du duo de lycéens fortunés, en l’occurrence Richard Haywood (Ryan Gosling) et Justin (Michael Pitt). Le premier est le beau gosse du lycée, paresseux et fumeur mais dont les parents sont très riches. On l’appelle d’ailleurs Richie Rich, alors qu’on aurait pu le surnommer Dickie d’autant qu’il tient souvent un flingue dans la main, symbole phallique s’il en est. Le second est un petit intello à lunettes timide qui cultive des orchidées (ça change des oiseaux empaillés). Le film commence par Justin en classe qui lit sa dissertation sur le Mal. Il feint devant ses camarades et la terre entière d’être l’ennemi de Richard. Le spectateur en sera persuadé aussi jusqu’à la découverte de cette étreinte dans une maison abandonnée et ce portrait fusionnel d’eux.

Si l’on sait que Richard et Justin ont commis un meurtre, on ignore tout de la chronologie précise. Ce sera à Cassie et Sam Kennedy de nous dévoiler tout cela, de refaire le puzzle avec toutes les pièces éparpillées par les deux ados avec leur esprit vicieux caché derrière des visages d’ange. Barbet Schroeder a toujours le chic de nous montrer des personnages dont le sens moral semblent toujours au dessus de la loi du commun des mortels. Non seulement ils agissent pour leur propre morale mais en plus refusent d’en rendre compte. C’est le général Amin Dada, c’est l’avocat du Mystère Von Bülow, c’est Michael Keaton dans L’Enjeu ou les deux alcooliques dans Barfly. Pour une fois, le duo de démiurges a face à lui un autre duo, Cassie et Sam. Tout fonctionne par deux, jusqu’à ce qu’un élément tiers viennent tout perturber et enrayer la machine. Cassie et Sam sont perturbés par l’ancien mari de Cassie, Justin et Richard par la jeune femme qui se met entre eux (grosse scène de jalousie de Richard), le chef des flics et le procureur sont embêtés par l’entêtement de Cassie. Cet élément tiers permet justement de dévoiler ce qui était brouillé, il aide à trouver la pièce du puzzle qui manquait à l’ensemble. Calculs meurtriers est le film de Barbet Schroeder le plus ludique de ce point de vue.













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