mercredi 18 novembre 2015

Au sujet du coffret Out 1 de Jacques Rivette

L'une des blagues récurrentes adressées à l'encontre de Jacques Rivette, depuis 20 ans, était de se dire que son dernier film en date ne faisant que deux heures et qu'il était en conséquence un court métrage, à l'échelle rivettienne. Tout ça parce que Out 1 Noli me tangere dure 12h40 et que Out 1 Spectre dure 4h15. Aujourd'hui, en cette période où certaines revues de cinéma et certains magazines affirment que les séries télévisuelles sont plus créatives que beaucoup de film, on comparera volontiers la durée du film parce qu'il est en 8 épisodes d'une durée de 73 à 109 minutes. On comparera ça à True Detective par exemple, parce que on parle tout le temps et qu'on se cache bien des choses mais le cinéma de Rivette préfère filmer les moments de creux alors que la télé doit constamment être dans les temps forts, proposer des retournements de situations. De la même manière Céline et Julie vont en bateau a une durée équivalente à Titanic mais les deux films ne se ressemblent pas.

Les critiques des huit épisodes :

Le coffret Carlotta qui sort permettra donc de découvrir pour la première Out 1. En Blu Ray ou DVD, les deux versions sont disponibles. Le format est en 1:37, le film est en couleurs avec à partir de l'épisode 2 un résumé de deux minutes de l'épisode précédent composé à partir des photos de plateau de Pierre Zucca. Le film en version longue (plus conforme à la réalité que version intégrale) n'a été projetée que deux fois en 1971 et en 1990, mais il existait un coffret VHS (je l'ai vu chez un de mes amis, jadis). En plus des deux versions, le coffret présente un livre (en français et en anglais) et un documentaire de 108 minutes sur l'histoire du film : Les Mystères de Paris Out 1 de Jacques Rivette revisité réalisé par Robert Fischer et Wilfried Reichardt. On y voit des images d'archives de Rivette en 1972 et en 1990 (moins d'un mois après la mort de Juliet Berto) parlant du film. Bulle Ogier, Hermine Karagheuz, Michael Lonsdale (interprètes des films), Pierre William Glenn (chef opérateur), Jean-François Stévenin (assistant) et Stéphane Tchalgadjieff (producteur) interviewé en 2015 évoquent le film, son tournage, ses improvisations qui ont tant fait souffrir Bulle Ogier, le destin étrange des films.

Longtemps invisible, ce cinéma des années 1970 est l'un des plus méconnus et les moins analysés. Il vient d'un pays cinéma assez étrange pour lequel j'ai toujours eu une grande fascination. J'ai d'abord découvert tous ces films en lisant les Cahiers du cinéma qui m'a amené vers le cinéma d'auteur et la Nouvelle Vague il y a environ 25 ans. Maintenant, les films politiques de Godard et du Groupe Dziga Vertov sont disponibles mais pas encore ses émissions télé, ceux des Straub aussi. Comment Yukong déplaça les montagnes de Joris Ivens et Marceline Loridan sont édités en DVD (environ 12 heures), tout comme Hitler un film d'Allemagne de Hans Jürgen Syberberg (seulement 6h50, petit joueur). Voir ces films ont longtemps constitué un Graal pour moi et découvrir Out 1 Noli me tangere avec son titre si étrange, c'est faire partie d'un club restreint (mais de moins en moins). Out 1 n'est pas un film expérimental, comme l'est Sleep d'Andy Warhol. Au cas où la durée ferait peur, il faut constater que le film se regarde facilement (sauf quelques improvisations théâtrales de Michael Lonsdale, il faut le reconnaître). Désormais, le film est à tout le monde.

Aucun commentaire: