lundi 30 novembre 2015

J'ai aussi regardé ces films en novembre

Parfois, je n'ai pas envie d'écrire sur les films que je viens de voir, soit parce que je les trouve trop navrants et franchement pas rigolos, soit par paresse, soit parce que je n'ai pas grand chose à dire. Voici les films que j'ai vu ce mois de novembre dans les sorties en salles sur lesquels je vais me contenter d'écrire quelques lignes.

Macbeth (Justin Kurzel, 2015)
Illustration parfaite du Nouvel Académisme qui sévit actuellement. Soit un mélange entre Mel Gibson et Christopher Nolan. Ce dernier pour le sérieux à tout crin dans chaque plan comme s'il le réalisateur australien voulait faire un chef d’œuvre et pour cette photographie marron qui illustre que la tragédie est partout. Mel Gibson (le cinéaste de Braveheart et La Passion du Christ) pour la sauvagerie comme mode de vie, le sadisme qui fait gicler le sang sur la boue. On en reviendrait presque à regretter la perfection des boutons de guêtres de l'Ancien Académisme. L'absence de charisme de Michael Fassbender qui délivre chaque vers en fronçant les sourcils et en serrant la mâchoire est désolante de naïveté.

L'Hermine (Christian Vincent, 2015)
Les retrouvailles entre Christian Vincent et Fabrice Lucchini, 25 ans après La Discrète m'ont plu. Le film de procès n'existait pas, Christian Vincent doit tout inventer. Pour ça, il faut oublier le cinéma américain riche en rebondissements et plaidoyers, totalement absents ici. L'Hermine sera donc un film sur le langage. On dit « Monsieur le Président » et non pas « Monsieur le Juge », on écoute tant bien que mal deux témoins qui ont du mal à trouver leurs mots, on se demande pourquoi l'inspecteur fait parler l'accusé avec de l'imparfait du subjonctif et l'accuse répète toujours la même phrase. Les jurés doivent se taire, tout le temps. Lucchini est à la fois sobre et puissant, ça ne lui était pas arrivé depuis... (mettre ici un titre de film de votre choix)

Hunger games, la révolte partie 2 (Francis Lawrence, 2015)
Largement supérieure à la partie 1, cette révolte est sanglante (mais moins que dans un film de Mel Gibson) et grisâtre (mais moins marron que dans un film de Christopher Nolan). La franchise propose une impressionnante dialectique sur le totalitarisme. La seule question que je me pose est ce que va bien pouvoir faire maintenant Jennifer Lawrence. Sa voix éraillée est son atout majeur et j'imagine que les rôles de personnages brisées par la vie vont ponctuer sa carrière dans les 25 prochaines années. Si elle parvient à sortir du carcan dans lequel David O. Russell risque de l'enfermer, elle pourrait être une merveilleuse actrice de comédie. Pourvu que sa carrière soit plus fructueuse que celle d'Ellen Barkin à qui elle me fait penser.

Au royaume des singes (Mark Linfield et Alastair Forgethill, 2015)
Pour parler de la lutte des classes, Disney Nature, producteur de ce pseudo documentaire, passe par le Sri Lanka et une colonie de macaques qui loge dans les ruines d'un palais royal. Le pire est que la gentille maman singe qui était brimée par le méchant dictateur singe devient, par un coup d'état, celle qui devient l'épouse du nouveau dictateur. Un jour, peut-être mais j'en doute, Disney parlera de la vraie vie des pauvres sans passer par des images aseptisées et un commentaire lénifiant.

Crazy Amy (Judd Apatow, 2015)
On me dit dans l'oreillette qu'Amy Schumer est génialement drôle. C'est bien sûr totalement faux. Son humour ne prend aucun risque puisque quand elle humilie chacun de ses partenaires à l'écran (John Cena comme ses différents plans cul), elle s'en sort toujours avec une petite pique cynique sans que jamais son personnage ne soit mis en danger. L'idée aberrante de prendre des acteurs médiocres (John Cena comme LeBron James) pour lui donner la réplique se retourne contre elle. Aucun gag ne fonctionne car seules la chute de ses blagues lui importe. Son personnage est un condensé de plusieurs personnages de sitcom (disons Happy endings ou Friends) où chacun se tire la bourre. Le scénario est un condensé de sketches qui pourraient être monté dans n'importe quel ordre.

dimanche 29 novembre 2015

50 nuances d'un rousse. Hommage à Maureen O'Hara (1920-2015)

L'actrice Maureen O'Hara est décédée le 24 octobre 2015. Elle aura arboré sa chevelure rousse et son caractère bien trempé dans une bonne cinquantaine de films entre La Taverne de la Jamaïque d'Alfred Hitchcock (1939) et Big Jake de George Sherman (1971). « Même en noir et blanc, ses cheveux sont roux », disait Jean Renoir de Maureen O'Hara avec qui il avait tourné son film anti-nazi Vivre libre en 1943. On dit que le Technicolor a été perfectionné pour mettre en valeur la couleur de ses cheveux. Elle a joué avec Errol Flynn, Douglas Fairbanks Jr., Tyrone Power dans des films exotiques, films de pirates, films d'aventures. Elle a aussi tâté de la comédie musicale, mais c'est dans le western qu'elle s'est épanouie. John Wayne a été son partenaire le plus important. Elle recevra la fessée des mains de l'acteur, dans Le Grand McLintock d'Andrew McLaglen (1963). Je considère L'Homme tranquille de John Ford (1952) comme son plus beau film. Après vingt ans de retraite cinématographique, elle avait accepté de jouer dans une comédie familiale de Chris Columbus, Ta mère ou moi où elle retrouvait Anthony Quinn, 30 ans après A l'abordage (1952).
La Taverne de la Jamaïque (Alfred Hitchcock, 1939)
Qu'elle était verte ma vallée (John Ford, 1941)
Pavillon noir (Frank Borzage, 1945)
Sinbad le marin (Richard Wallace, 1947)
Rio Grande (John Ford, 1950)
L'Homme tranquille (John Ford, 1952)
A l'abordage (George Sherman, 1952)
L'Aigle vole au soleil (John Ford, 1957)
  New Mexico (Sam Peckinpah, 1961)

samedi 28 novembre 2015

Les Infidèles (Mario Monicelli et Steno, 1953)

Ce petit film de Mario Monicelli et Steno (le dernier qu'ils firent en duo) illustre la théorie des dominos : quand un élément tombe, il entraîne les autres dans sa chute. Tout commence quand un bon gros bourgeois va voir une agence de détectives privés pour faire suivre sa femme qu'il soupçonne d'infidélité. L'agence est un peu minable et son limier est Osvaldo (Pierre Cressoy), pauvre ragazzo qui se croit irrésistible. Rien n'y fait, Osvaldo constate que l'épouse est fidèle. Il la suit dans toutes ses activités de femme bourgeoise et oisive, mondanités, coiffeur et spectacles.

En fait, c'est le mari qui est infidèle. Il s'est entichée d'une petite grue (Marina Vlady, 15 ans à l'époque filmée comme une nymphe) qui, avec l'aide de sa maman, manipule son amant pour collecter son argent. Mais Osvaldo va tenter de séduire Luisa (Irene Papas) grâce à une amie commune, Liliana (May Britt), ancienne fiancée d'Osvaldo qui s'est extraite de sa condition en épousant un homme d'affaires anglais. Osvaldo va se rendre compte de deux choses : premièrement, dans ce milieu, toute le monde trompe tout le monde, deuxièmement, il veut lui aussi faire partie de ce club des riches.

Dès lors toutes les règles de la bienséance sont brisées et tous les moyens sont bons. Osvaldo choisit le chantage et sa victime est la superbe Lulla (Gina Lollobrigida) qui trompe son époux avec de jeunes gens. Elle va voler de l'argent dans les manteaux de fourrure de ses amies. Lulla est une fausse victime en vérité puisque c'est la petite bonne Cesarina (Anna Maria Ferrero) qui va être accusée d'avoir voler chez Liliana. Le groupe de bourgeois bien pensants se serre les coudes et s'acharne sur elle. Le scénario, qui commence comme une comédie et se termine en tragédie, est rondement mené bien qu'un peu désuet.










vendredi 27 novembre 2015

Vingt et une nuits avec Pattie (Arnaud & Jean-Marie Larrieu, 2015)

Pour avoir une petite idée de ce à quoi ressemble Vingt et une nuits avec Pattie, il faudrait imaginer que des personnages échappés d'un Bertrand Blier auraient été filmés par Jean-Marie Straub. Versant Blier, la saine et communicative vulgarité de Pattie (Karin Viard, épatante), totalement assumée quand elle raconte ses frasques sexuelles à Caroline (Isabelle Carré), petite sainte-nitouche débarquée dans la maison de sa mère défunte. Karin Viard faisait déjà preuve dans Lolo de Julie Delpy d'un bel abattage, mais ne faisait que fantasmer sur les hommes. Dans Vingt et une nuits avec Pattie, son personnage raconte sa vie. Versant Straub, c'est donc cette manière de raconter ces histoires tandis que les deux femmes se promènent dans les clairières et que les récits de Pattie prennent la forme de flash-backs par le seul pouvoir des dialogues. Le film est dans un format carré (1:37), sauf dans son dernier quart d'heure, cadre intangible des Straub-films quelles que soient les années.

Mais ce format étonne puisqu'il coupe tous ces beaux paysages de l'Aude où le tournage a eu lieu. Le coin est charmant mais isolé (pas de réseau) et les occupants de la maison de la mère de Caroline amènent une gaieté incongrue. Les frères Larrieu ne parleront de deuil, thème tant à la mode dans le cinéma français. De toute façon, Caroline ne connaissait pas vraiment sa mère, baroudeuse qui accumulait les liaisons. Justement, un certain Jean (André Dussolier) débarque à l'improviste pour rendre ses derniers hommages. Caroline se met à imaginer qu'il pourrait JMG Le Clézio, dont tous les livres ornent la bibliothèque de la maison. Et si elle était la fille de cet homme et de sa mère ? Jean n'aura pas le loisir de voir le corps de la défunte, puisqu'il a disparu. Le Capitaine de gendarmerie viendra faire une enquête. Il est persuadé que le corps a été enlevé par un nécrophile. Là encore, les Larrieu plutôt que d'exploiter l'aspect scabreux de la chose, la transforme en un motif comique.

Malgré son titre, le film ne dure vingt et une nuits. L'aventure se concentre sur quelques jours autour du 15 août où trois bals seront donnés dans trois hameaux différents. Caroline décide de vivre au rythme de Pattie, de ses amis (trois ouvriers venus faire des travaux dans la maison), un loufoque libidineux (Denis Lavant), un ancien amant de Pattie qui ne se déplace jamais sans son vin et Kamil le fils 20 ans de Pattie toujours accompagné de ses amis. On vit tous ensemble, on mange sur la terrasse, on se baigne volontiers dans la piscine ou sous une cascade, on boit beaucoup de vin, on regarde les corps dénudés. Caroline écoute les histoires de cul de Pattie et se met à s'enivrer, dans tous les sens du terme de cette situation. Elle se met à fantasmer tout autant sur le personnage de Denis Lavant que sur le jeune Kamil, qui, l'été aidant, se promène toujours torse nu. Les Larrieu, après raté leur film précédent pour avoir trop filmé la neige suisse, ont bien fait de revenir au soleil de leur terre natale.

jeudi 26 novembre 2015

Hommage à Setsuko Hara (1920-2015)

On vient d'apprendre le décès de l'actrice japonaise Setsuko Hara. Née en 1920, elle serait morte le 5 septembre 2015, mais la nouvelle de sa disparition vient seulement d'être annoncée cette semaine. Actrice dans plus de soixante de la fin des années 1930 jusqu'en 1966, Setsuko Hara a surtout tourné dans les films de Mikio Naruse ou Yazujiro Ozu. C'est ce dernier qui lui réservera « le rôle de la femme réservée et bienveillante, discrète et traditionnelle, dont le sourire énigmatique cache bien des secrets » (commentaire audio du documentaire Setsuko Hara, la disparue de Pascal-Alex Vincent). Hommage en 10 images.
Dernier caprice (Yasujiro Ozu, 1961)
  Fille épouse et mère (Mikio Naruse, 1960)
Fin d'automne (Yasujiro Ozu, 1960)
Crépuscule à Tokyo (Yasujiro Ozu, 1957)
Le Grondement de la montagne (Mikio Naruse, 1954)
Voyage à Tokyo (Yasujiro Ozu, 1953)
Le Repas (Mikio Naruse, 1951)
Eté précoce (Yasujiro Ozu, 1951)
L'Idiot (Akira Kurosawa, 1951)
Printemps tardif (Yasujiro Ozu, 1949)

La Fille du désert (Raoul Walsh, 1949)

 
Avec sa bonne tête et sa grande taille, Joel McCrea jouait habituellement les bons gars, les héros du Far West ou les shérifs. Dans La Fille du désert, Raoul Walsh lui demande d'incarner Wes McQueen, un hors-la-loi. Mais c'est un bandit au grand cœur. La preuve, sa gentille grand-mère lui apporte un délicieux gâteau pour son anniversaire. On comprendra qu'elle a caché de quoi s'évader de la prison où il se trouve. Direction le Colorado pour attaquer avec deux comparses, eux aux mines patibulaires, Reno (John Archer) et Duke (James Mitchell), qui ont décidé de se débarrasser de Wes une fois leur forfait accompli et l'argent récupéré. D'ailleurs, Wes ne fait pas confiance à ces deux hommes et le fait savoir au commanditaire du braquage.

Wes veut changer de vie, abandonner sa carrière de gangster. Alors que les affiches Wanted sont posées sur tous les murs, il décide de se présenter en tant que Chet Rogers à ses compagnons de voyage dans la diligence. Les Winslow, le père (Henry Hull) et sa fille Julie Ann (Dorothy Malone) ont quitté leur Géorgie pour s'installer dans le Colordao, la « terre promise » comme le dit Winslow, au grand dam de sa fille. Quand la diligence se fait attaquer par des bandits, Wes abat les gangsters. Pour Julie Ann, il devient un héros. C'est naturellement qu'elle tombe amoureuse de lui et que son père lui voue une confiance indéfectible. Wes sera invité dans leur ferme où le travail s'avère plus difficile que prévu.

Wes mène une double vie. Pour préparer l'attaque du train avec Reno et Duke, il vit dans les ruines d'un village mexicain. La ville s'appelle Todos Santos et seul un curé vient de temps en temps sonner les cloches. Quand le trio rencontre ce curé, seul Wes enlève son chapeau, comme un signe de la rédemption qu'il souhaite atteindre rapidement. Avant cela, il faudra attaquer le train qui traverse le territoire. Cette attaque est ce qui intéresse le plus Raoul Walsh qui la filme dans tous ses détails, poursuite en cheval, Wes sur le toit du train, affrontement avec les forces de l'ordre tout autant qu'avec ces deux pourris que sont Reno et Duke.

Dans les ruines de Todos Santos, Wes a fait la rencontre d'une belle jeune femme appelée Colorado Carson (Virginia Mayo). Autant Julie Ann porte des robes longues et tien un air sévère, autant Colorado expose sa sensualité en dévoilant ses jambes tout autant que ses formes. Il tombe amoureux une deuxième fois. Le titre français est La Fille du désert, le pluriel aurait été préférable, puisque trois filles hantent l'esprit de Wes. Dans une vie précédente, il était amoureux de Martha. Il va lui rendre hommage sur sa tombe. Wes ne pourra jamais accomplir une nouvelle vie ni avec Julie Ann, qui le rejette, ni avec Colorado, qui l'accuse de traîtrise.











mercredi 25 novembre 2015

La Messe est finie (Nanni Moretti, 1985)

 
C'est étonnant comme Nanni Moretti réussit à paraître inquiétant avec son sourire. Contrairement à Bianca (1984), son film précédent, l'acteur réalisateur ne porte pas de barbe et ni de cheveux mi-longs dans La Messe est finie, ce qui le rend encore plus jeune qu'il ne l'était alors (32 ans) et son sourire d'autant plus visible. Le film commence et se termine par un mariage que Giulio, le personnage de prètre qu'incarne Nanni Moretti célèbre. Une fois la cérémonie finie, Giulio s'embarque dans la même barque que les nouveaux mariés, salue longuement les villageois qu'il quitte définitivement avec un très large sourire pour démarrer une nouvelle vie dans une nouvelle cure : dans une église dans la ville de ses parents.

Sans intrigue réelle, le film suit le curé dans ses rencontres avec des gens qu'il connait très bien et d'autres qu'il découvre. Ses parents sont ravis de le revoir, mais le père va s'aventurer dans une liaison avec une femme bien plus jeune. Sa sœur est enceinte d'un homme qui passe sont temps à photographier des bouquetins mais veut avorter, « si tu fais ça, je te tue et je me tue ensuite », lui répond Giulio. Son voisin n'est autre que l'ancien curé, défroqué, papa gâteau, qui passe son temps à vouloir l'inviter à manger. Et les amis d'adolescence qui sont tous restés là, l'un s'est plongé dans le terrorisme, un autre convoque tous ses amis pour leur dire qu'il refuse de les revoir, un troisième voudrait devenir prètre comme Giulio.

On dirait que c'est Giulio, tel un personnage pasolinien à la Théorème, qui réveille les démons de chacun qu'il va écouter. Giulio vit paradoxalement un isolement total une fois qu'il se retrouve entouré de tous ceux qu'il connait, même son église est déserte. Giulio erre dans tous les lieux. Chez ses parents, il traverse les pièces en glissant tel un gamin cherchant à reproduire les gestes de son enfance. A la cure, il est désarçonné pour donner des conseils aux futurs mariés, tout autant qu'il est incapable de jouer au foot avec les enfants. Rien n'y fait, ce passé et ces gens qu'il chérissait n'existe plus. Pour que son sourire cesse d'être inquiétant, Giulio devra en passer par l'épreuve la plus difficile, la mort définitive de son enfance.