lundi 5 octobre 2015

Un début prometteur (Emma Luchini, 2015)

Gloire à Manu Payet ! J'avais déjà remarqué sa manière alerte de prendre le cadre, sa nonchalance à remplir l'écran et sa capacité à faire croire qu'il improvise tout le temps. S'il faut oublier (et le plus vite sera le mieux), l'atroce duo des Gorilles, on peut revoir avec plaisir Radiostars et même son propre film Situation amoureuse : c'est compliqué, gros bide et film largement sous-estimé. Dans Un début prometteur, deuxième film d'Emma Luchini, l'acteur incarne Martin. Ce qui frappe d'abord avec sa première apparition (il rentre dans la maison familiale, son père est Fabrice Luchini), c'est moins cette barbe très fournie que son bide énorme qui dépasse de son t-shirt. Ce n'est pas la transformation physique qu'on remarque (à la Robert De Niro), on n'a pas l'impression que Manu Payet fasse son Tchao Pantin (car le film reste une comédie, pas un film comique), c'est justement que l'acteur fait passer en douceur et sans effort cette protubérance, signe de son lourd passé. On a vraiment l'impression que quelque chose se passe sur l'écran.

Alors que se passe-t-il ? C'est le retour du fils prodigue. Martin est un alcoolo qui revient d'une cure mais qui continue de boire, beaucoup, de fumer tout autant et de prendre des médicaments entre autres. Peu importe qu'il soit une loque, Gabriel (Zacharie Chaseriaud), adolescent jovial aime ce grand frère. On apprend que Martin est écrivain en s'inspirant de la vie des gens qu'il côtoyait, qu'il a mené jadis la grande vie dans les palaces parisiens et qu'il a divorcé et que ça s'est très mal passé. Bref, de quoi déprimer. C'est en fait toute la famille qui semble vivre dans un autre monde. Le père s'est réfugié dans la culture des fleurs, véritable obsession qui lui prend tout son temps et lui permet d'oublier qu'il est veuf. Gabriel tombe amoureux en un seul regard d'une jeune femme blonde (Veerle Baetens) prénommée Mathilde, la trentaine survoltée. Gabriel a promis de lui prêter de l'argent sans la connaître. C'est d'abord sur ce duo que la cinéaste commence, pour ajouter en cours de récit Martin puis le père, dans un road movie en lointaine banlieue parisienne.

A vrai dire, le récit est à peu près improbable et c'est pour cela qu'il fonctionne. Avec des personnages au dysfonctionnement relatif, il faut tout oser. Regarder du foot dans une baraque de chantier, aller à une course de lévriers ou boire un cocktail au Regina. Plus c'est gros, plus ça passe. Ce qui compte est de bien raconter la blague qu'elle soit vulgaire ou subtile. Quand Manu Payet joue le mec totalement bourré, il se refuse à tituber dans le salon, à rouler des yeux et à ânonner ses répliques comiques pour, dans le plan suivant, sembler tout à fait sobre. C'est toujours comme ça dans les films où l'alcool fait figure de révélateur pour un personnage. Ici, l'ébriété est l'état naturel du personnage, il a appris à s'exprimer normalement et souvent en plans séquences. Un début prometteur est ce que appelle un feel good movie, léger quand il le faut, grave par moments, une sorte de film éphémère bien dans l'air du temps entre un personnage cynique et son revers solaire. Parfois, cela fait beaucoup de bien surtout quand les interprètes forment un quatuor à la performance remarquable.

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