En
1986, Jean-Luc Godard va voir Woody Allen à New York pour lui
proposer de jouer dans son film en préparation, King Lear,
tourné en 1986, mis au placard par ses producteurs Golan &
Globus de la Cannon, sorti en salles en 2002 et encore inédit en
vidéo. Le cinéaste américain accepte de faire l'acteur pour le
cinéaste suisse. Qu'est-ce qui peut bien rapprocher les deux
hommes ? Leur passion pour Ingmar Bergman, mentor de Woody Allen
et de Godard qui a écrit l'un de ses plus célèbres textes pour les
Cahiers du cinéma (Bergmanorama en 1958). Ils couchent avec leurs
actrices. La longévité et le rythme (45 longs métrages en 45 ans
pour Woody, une centaine de films courts, longs, documentaires, pubs
pour Godard depuis 60 ans). Ils portent tous les deux des lunettes,
accessoire reconnaissable. Mais sinon, pas grand chose ne lie le
cinéaste isolé dans un petit village suisse et le cinéaste qui
habite dans la plus grande ville des Etats-Unis. Bref, le merle des
champs rencontre le merle des villes.
Meetin'
WA dure 26 minutes durant lesquelles Godard, en amorce du plan et
de dos, pose des questions à Woody au fond du cadre, assis sur un
canapé. Le dispositif ne changera pas si ce n'est que chaque phrase
est coupée par des intertitres puis des images d'actrices, du
Gershwin puis du free jazz. La conversation porte sur Hannah et
ses sœurs qui vient de sortir et que Godard semble aimer, même
s'il trouve que le film a une facture télévisuelle. Propos badins
sur la presse, Woody acteur normal, les chefs opérateur, la manière
d'écrire un scénario. Allen affirme ne jamais être satisfait de
son travail, une fois celui-ci accompli (il le dit à nouveau dans un
entretien à Première ce mois-ci). Mais Godard veut le faire causer
des méfaits de la télévision. Les deux hommes sont d'accord sur le
diagnostic mais pas sur les symptômes ce qui donne rapidement un
double monologue où Godard bafouille ses questions et Woody esquisse
un sourire vaguement gêné. Le film est tout de même assez incongru
et franchement marrant.
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