jeudi 1 octobre 2015

Je suis à vous tout de suite (Baya Kasmi, 2015)

« Plus le méchant est réussi, plus le film est réussi » a dit Hitchcock qui s'y connaissait en méchants. Je suis à vous tout de suite ne comporte que des personnages gentils. Le père (Ramzy) est épicier dans un cité du 94. Non seulement il fait crédit à ses clients, le laissant parfois partir sans payer, mais en plus, les voisins profitent de lui pour lui demander de lui rendre tous pleins de services. Sa femme (Agnès Jaoui) est mère de faille et passe son temps à écouter les gens raconter leurs petits malheurs. Toute cette gentillesse est expliquée en voix off par la fille aînée Hanna (Vimala Pons), narrateur conscient que tout cela ne va pas avec le monde dans lequel on vit (l'égoïsme, c'est mal) mais qui éprouve une tendresse infinie pour ces parents si prévenants.

Hanna est DRH dans une société. Chaque fois qu'elle doit virer un CDD, elle couche avec lui pour le consoler. La cinéaste Baya Kasmi reprend le motif de Le Nom des gens, le film de Michel Leclerc qu'elle avait scénarisé. Cela avait amusé de voir Sara Forestier se sacrifier pour transformer les mecs de droite en hommes de gauche en couchant avec eux. L'effet ne fait pas mouche une deuxième fois. Au contraire, il apparaît gratuit comme dans la calamiteuse scène du restaurant où son ami Paul (Laurent Capelluto) est persuadée qu'elle est une prostituée et la présente à ses amis ainsi. Hanna a du mal à contrarier les gens, à les contredire et préfère les laisser penser ce qu'ils veulent sur elle. Y compris qu'elle est une prostituée.

Hanna a rencontré Paul à l'hôpital où elle est venue consulter un chirurgien. Son jeune frère Donnadieu (Mehdi Djaadi) a besoin d'un rein. Leur mère ne comprendrait pas qu'Hanna ne lui donne pas un rein. Seulement voilà, Hanna et Donnadieu ne s'entendent plus. Enfants, comme on le voit dans les flash-backs, ils étaient très unis. Hanna a choisi les jupes très courtes, la vie rue Saint-Denis et Donnadieu a choisi les djellabas et l'Islam. Hanna est toujours gentille avec son petit frère (qui se fait appeler Hakim), mais ce dernier refuse de lui parler. Le film appuie l'opposition de leurs idéaux respectifs en cherchant à les transformer en quiproquos comico-burlesques. On a droit à un enfilage de clichés parfois bien tournés (le deal de shit) parfois gênants (le retour en Algérie).

On imagine que le projet de Baya Kasmi et Michel Leclerc est de faire un anti Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu avec deux mondes qui s'affrontent pour finalement se tomber dans les bras. Les deux pères étaient chargés, mais à peine plus que les personnages de Je suis à vous tout de suite. Et le problème de cette gentillesse est qu'elle ressemble plus à un chantage émotionnel qu'à une bonté d'âme. Si on ajoute des personnages secondaires dans des scènes au comique poussif, on sature. Le seul personnage méchant du film, un médecin pédophile qui a détraqué Hanna et Donnadieu, est bâclé mais également superflu. Comme si leur vie étrange et décalée n'était pas déjà une raison suffisante pour être hors-norme. La cinéaste ne croit même pas à son postulat de départ.

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