vendredi 9 octobre 2015

Fatima (Philippe Faucon, 2015)

Ce qui frappe le plus dans Fatima c'est sa grande douceur, Philippe Faucon se met au diapason de son héroïne, personnage éponyme incarnée par Soria Zerroual. Le film écoute cette voix, légèrement acidulée, parfois nouée quand elle parle à se filles. Aucune musique ne viendra troubler cette écoute et cette voix. Fatima parle aussi à elle-même par le biais d'un journal intime qu'elle tient en arabe (le scénario est inspiré des écrits de la vraie Fatima) et que l'on entend en voix off. Là, la voix est plus sereine, plus maîtrisée, comme apaisée de pouvoir mettre à plat tout ce qu'elle pense et qu'elle n'ose pas dire à ses filles en face.

Héroïne, parce que Fatima est une mère de 44 ans et divorcée. Son ancien époux s'est remarié. Fatima élève (pratiquement) seule ses deux filles. Et c'est pas rien. Nesrine (Zita Hanrot), l'aînée a 19 ans, elle entame des études de médecine. Ce qui veut dire que ça va durer des années. Des années de sacrifice financier. Souad (Kenza Aïche), la cadette a 16 ans et elle va au lycée, mais elle préfère l'école buissonnière avec sa meilleure amie. Deux personnalités opposées au caractères bien trempés. On est en banlieue de Lyon et chaque matin, Fatima part faire des ménages puis continue la journée à faire des ménages et arrive chez elle le soir épuisée.

Fatima parle très mal français. Entendre les dialogues du film est une expérience rare. La maman parle arabe, ses filles lui répondent en français, d'ailleurs tout le monde lui parle en français. Parfois, un employeur lui demande si elle comprend « oui, oui, je comprends », répond-elle d'une petite voix. Puis plus tard, elle explique à ses filles qu'elle ne comprend pas vraiment tout. Parfois Souad lui mène la vie dure, dans un langage fleuri mais avec une diction élaborée. La direction d'acteurs ne cherche un naturalisme forcené, mais c'est très beau à entendre.

Ce que Fatima ne comprend pas surtout, c'est pourquoi elle doit trimer autant pour être payer une misère. Le personnage d'Isabelle Candelier est à ce titre symptomatique de cette commisération. On a du cœur pour les autres, mais pas trop quand même. Fatima est douce, mais ses voisines un peu moins. Fatima a beau porter un voile sur la tête (mais pas chez elle), elle est progressiste. Par contre, ses voisines se font un plaisir de la faire culpabiliser. Elles lancent des rumeurs sur le fait que Nesrine n'aurait pas dit bonjour. « Elle ne supporte pas qu'une femme puisse faire des études ».

La douceur n'est pas synonyme de naïveté ou de mièvrerie, bien au contraire. Fatima n'est pas un conte de fées, mais il est tellement différent des films sociaux récents qu'il faut bien le signaler haut et fort. Le chantage émotionnel qui fait parfois figure de critique de la société est absent du film. Pas de scènes d'engueulade, pas de plans trop jolis, pas de scènes cathartiques où se dit ses quatre vérités. Fatima est bien complexe que ça, plus bien simple aussi. Fatima fait confiance au bon sens du spectateur, il n'a pas besoin de le prendre en otage émotionnel.

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