jeudi 17 septembre 2015

The Program (Stephen Frears, 2015)

Avoir le pouvoir, c'est savoir sourire. Un beau et grand sourire texan. Avant d'avoir le sourire et le pouvoir, Lance Armstrong (Ben Foster) va passer par une série d'épreuves douloureuses. La première, c'est une course sur les célèbres pavés de la Flèche Wallonne, où il en chie, incapable de tenir le rythme et de supporter la douleur. La deuxième est son cancer des testicules qui l'oblige à subir une lourde opération et de la chimio. Dans ces deux chemin de croix, le cycliste ne sait pas s'il pourra devenir le champion qu'il rêve d'être. Il était promis à une carrière honorable, ce qui lui a valu l'attention d'un journaliste anglais David Walsh (Chris O'Dowd), premier homme en croire en lui. Il rencontre aussi un autre cycliste, Johan Bruyneel (Denis Ménochet) qui lui affirme qu'il ne pourra jamais gagner parce qu'il n'est pas dopé. Troisième rencontre, celle avec le docteur Ferreri (Guillaume Canet) étrange médecin aux lunettes fumées qui décèle immédiatement ce qui ne va pas dans sa musculature et qui va lui trouver la solution miracle, l'EPO (entre autres joyeusetés qu'il va lui prescrire).

La machine à gagner de Lance Armstrong est lancé. D'abord trouver une équipe de sponsor (l'US Postal), puis lancer une fondation (pour faire œuvre philanthropique), puis un entraîneur (Bruyneel a pris sa retraite de coureur, il constituera l'équipe) et enfin un médecin (Ferreri accepte de remodeler son futur champion). La bonne idée de Frears est de laisser de côté l'aspect compétition, le cyclisme n'est pas un sport palpitant au cinéma, contrairement au base-ball : question de tempo. La suite, on l'a connaît. Le cycliste gagne sept fois le Tour de France, juste l'année après le scandale Festina (« à l'insu de mon plein gré »). Stephen Frears montre la manipulation avec une minutie redoutable, n'oubliant aucun détail : comment se piquer, comment se débarrasser des seringues, comment feinter les contrôles anti-dopage et aussi comment financer la dope sans que ça n'apparaisse dans les comptes. Le cinéaste organise une plongée à l'intérieur d'un système que tout le monde voyait à l'écran de télé (la séquence où il dépasse tout le monde dans une étape de montagne est superbement montée) mais que personne ne voulait voir.

Tout le monde, sauf ce journaliste sportif. C'est lui qui risque de faire perdre le sourire d'Armstrong, ce sourire qu'il arbore quand il va discuter dans le peloton avec un coureur qui a déclaré que tout le monde est dopé. Tout ce qui compte est de ne pas dépasser le seuil illégal où il se ferait contrôler positif. On connaît la fin de l'histoire, on sait comment Lance Armstrong a été dépossédé, en 2012, de ses titres, mais Stephen Frears parvient à maintenir un suspense jusqu'au bout, menant son film comme un thriller où les menaces (contre les instances internationales qui ne pourraient se permettre une mauvaise image), les procès (contre David Walsh), les amicaux conseils (à Floyd Landis son co-équipier, issu d'une secte conservatrice, qui culpabilise) se suivent. Chaque fois, Armstrong s'en sort, comme dans Les Incorruptibles. Jusqu'à ce que la machine s'enraye. En ce sens, Stephen Frears n'a pas tourné un biopic sur le cycliste, de la même manière que The Queen n'est pas un film sur Elizabeth II, autre personnage de pouvoir arborant un constant sourire. Dans ces deux films, Stephen Frears met en scène, avec son sens habituel de l'ironie, l'affrontement de deux idéologies opposées.

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