vendredi 25 septembre 2015

Les Deux amis (Louis Garrel, 2015)

Mona (Golshifteh Farahani), la belle vingtaine, est en semi-liberté. Elle passe la nuit en prison et le jour, pour s'insérer à nouveau à la société, comme disent les journaux télé, elle travaille dans un fournil Gare du Nord. Ses horaires sont précis (t'as cinq minutes de retard, lui dit son chef), elle doit prendre le RER pour faire l'aller-retour. C'est son seul horizon.

Clément (Vincent Macaigne) l'observe de loin. Il l'a déjà repéré et pense être tombé amoureux d'elle. Amoureux est un euphémisme, elle est devenue son obsession. Les uniques rapports qu'ils échangent sont ceux de l'achat d'un pain au chocolat. Clément ne sait pas que Mona doit rentrer en prison chaque soir. Il s'acharne à vouloir l'inviter à rester prendre un verre.

Abel (Louis Garrel) est l'ami et confident de Clément. Il acquiesce à tout ce que son pote dit. Il l'encourage à aller plus loin dans la drague avec Mona. Il ne l'a jamais vue, il ignore sa vie mais souhaite qu'elle fasse un effort. Il va d'ailleurs la convaincre de rester un peu le soir avec Clément. Et là, c'est le drame sur le quai de la gare, les deux amis la retiennent, elle explose de colère.

Les Deux amis, premier long-métrage de Louis Garrel (un de ses courts-métrages en N&B était déjà sorti en salles) une fois ses personnages introduits, se déroule en quelques heures. Les amis retiennent Mona en otage, et l'idée de s'évader n'est pas à l'ordre du jour. Au contraire, elle veut échapper à l'attraction des deux amis, qui l'enferment littéralement dans leur désir mortifère.

A priori, les deux potes sont bien sympas. Abel se rêve en romancier, mais il est gardien d'un garage. Il sort de temps une belle phrase que Clément trouve très belle mais que Mona trouve ridicule. Clément fait de la figuration dans des films. On assiste à un tournage où Mai 68 est reconstitué. La rébellion de l'époque est à comparer à celle d'aujourd'hui. Leur champ du possible est.

Abel et Clément ne sont pas des rebelles. Ils vivotent. L'un tombe amoureux en deux secondes d'une belle fille, l'autre s'envoie des prostituées. On les croyait les descendants de Brialy et Belmondo dans Une femme est une femme, ils se croient être des duplicatas de Léaud dans La Maman et la putain. Ils sont l'archétype d'une jeunesse de cinéma où l'insouciance est un art de vivre.

Louis Garrel est depuis quelques années l'acteur Koulechov du cinéma. Son visage impassible et inexpressif permet aux cinéastes (Xavier Dolan et Christophe Honoré en tête) d'imprimer tous les sentiments sur son visage. Dans Les Deux amis, l'acteur s'essaie au sourire, voire dans une scène au rire. Mais il reste cantonné à son personnage de joli garçon romantique.

Vincent Macaigne est l'inverse de Louis Garrel, chaque mouvement de sourcils sur-exprime les sentiments que son personnage développe. Macaigne sur-joue toujours ses personnages. Quand le film est bien écrit (La Fille du 14 juillet), ça marche, quand il reste aux lieux communs (La Bataille de Solférino), Macaigne est en roue libre, aussi génial qu'exaspérant.

On trouve dans Les Deux amis tous les tics sur la jeunesse. On traverse les rues parisiennes en courant, on déclame de la poésie dans les dialogues, on danse dans un bar désert, on passe la nuit au poste, on s'échappe de l'hosto par la fenêtre. Le film réussit rarement à s'extirper d'un cinéma romantique doloriste. Le romantisme de Clément est insupportable d'égoïsme, totalement infantile.

Les deux acteurs sont aussi réalisateurs. Macaigne vient de signer un Dom Juan projeté au Festival de Locarno qui a divisé la critique. On imagine que le nombre de « putain » hurlé par ses acteurs sera aussi impressionnant que dans ses pièces. Louis Garrel préfère les susurrements au creux de l'oreille. Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer, comme le feu et la glace.

Aucun commentaire: