mercredi 2 septembre 2015

La Vanité (Lionel Baier, 2015)

Une chambre (la numéro 8, le nombre des longs-métrages de Lionel Baier) dans un motel en périphérie de Lausanne. L'homme qui loue cette chambre s'appelle David Miller (Patrick Lapp, déjà épatant dans Les Grandes ondes, le précédent film du cinéaste) et veut mettre fin à sa fin, non pas en se suicidant mais grâce à une loi suisse qui autorise l'euthanasie pour les cas « désespérés ». C'est ironiquement Esperenza (Carmen Maura) qui va venir l'assister et lui donner les médicaments nécessaires à cette mort choisie. Miller a choisi ce motel, aujourd'hui déserté et proche de la fermeture définitive, parce qu'il en a été l'architecte plus de 45 ans auparavant. Il l'a conçu après un voyage sur la route 66. Dans la chambre d'à côté, la numéro 7, Miller et Espé entendent les bruits d'un coït. C'est le jeune Konstantin (Ivan Georgiev), jeune prostitué qui reçoit ses clients (clients, pas clientes). Comme le témoin de Miller n'arrive pas, il va demander à Konstantin de l'assister dans ses derniers instants.

Unité d'action, de lieu et de temps. Ou presque. Pourtant La Vanité n'est en rien un film théâtral. L'utilisation du hors-champ par le cinéaste crée du suspense, développe le récit et relance l'action. Ce ne sera pas par les dialogues qu'on connaîtra les motivations des personnages ainsi que leur histoire, Lionel Baier a une manière bien à lui de lancer ses flashbacks, sans paroles, composés de quelques images. C'est très beau et très tendre. Il ne faut pas s'attendre à un film « dossier de l'écran » comme a pu l'être Quelques heures de printemps de Stéphane Brizé, film extrêmement explicatif et d'un sérieux à toute épreuve. La Vanité dynamite constamment le sérieux du sujet par une avalanche de gags de différents niveaux, gags de langages, gags de situations, gags visuels, le tout suivi par un soupçon de poésie redynamitée pour ne pas tomber dans le mièvre. Le film a la très bonne idée d'être très court et de garder son rythme de croisière pendant toute sa durée.

Lionel Baier a toujours filmé la Suisse comme un pays étrange. Même quand ses films ne se passent pas en Suisse (Comme des voleurs en Pologne et Les Grandes ondes au Portugal), on parle des rapports de la Suisse avec le reste de l'Europe. Et quand ça se passe en Suisse, il filme les gens en marge de la société bourgeoise. Dans La Vanité, les trois personnages sont loin d'être des standards de la population de Lausanne. David Miller est juif et misanthrope, Esperanza est Espagnole et désabusée, Konstantin est Russe et gay. Dans un pays en proie à la tentation nationaliste, ce trio peut faire figure d'un îlot de résistance. Comme toujours dans les films de Lionel Baier, ce sont trois personnages solitaires, un peu borderline, pas vraiment raisonnables qui font un bout de chemin ensemble. Bref, La Vanité est une comédie loufoque sur un sujet grave. C'est finalement bien mieux de ne pas aborder de front l'euthanasie.

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