mardi 1 septembre 2015

Dheepan (Jacques Audiard, 2015)

En faisant de Dheepan le personnage éponyme de son film, Jacques Audiard lui réserve un passé auquel il veut échapper. Criminel de guerre au Sri Lanka, il a perdu sa femme et ses enfants pendant le conflit. Il va donc se reconstruire en France avec cette épouse et cette fille fictive. D'elles, on ne saura jamais leur passé. Mais la question de l'égalité des personnages se pose. Yalini, l'épouse, est une femme qui se cherche un avenir (elle a une cousine en Angleterre qu'elle veut rejoindre). C'est par elle que la majorité de la fiction se crée dans Dheepan. Chaque jour au contact du petit chef de bande, elle observe le conflit entre son mari fictif et ce jeune homme, incarné paresseusement par Vincent Rottiers, conflit qui va grandissant jusqu'à l'affrontement final.

On ne connaîtra rien du voyage entre le Sri Lanka et la France, Audiard s'attarde peu sur le demande d'asile de la famille. On apprend que Dheepan va devenir gardien d'une cité où la loi a disparu. De cette banlieue, on ne verra pas grand chose. Dheepan est l'inverse total de Bande de filles dans sa vision d'une cité : personne ne semble habiter là, on voit juste des figurants qui traversent le cadre. Un simple décorum pas très reluisant. C'est pourtant la vision qu'en ont Dheepan et Yalini, ce sont eux qui donnent le point de vue du film. Ils ne voient donc que les jeunes qui surveillent le quartier pour que Rottiers puisse faire son trafic de drogue. Ils ne voient plus les habitants qui disparaissent du champ visuel comme de la fiction. La famille s'invente leur vie : « c'est comme au cinéma », disent-ils en observant les dealers.

Jacques Audiard cherche tellement à éviter les clichés sur les migrants comme sur les trafiquants de banlieue qu'il en oublie de dire quoi ce soit à la fois sur les uns comme sur les autres. La barrière de la langue aide à ne pas s'exprimer beaucoup. En revanche, un jeune milicien du trafiquant explique qu'il fait un boulot pas facile et le chef des dealers affirme qu'il pratique un commerce comme un autre. A ma grande surprise, le film évite l'écueil de la petite frappe qui tombe amoureux de Yalini, qu'il voit pourtant tous les jours chez lui. Elle lui prépare des petits plats. Ce que chacun cherche, c'est une petite vie normale avec un mode de vie normatif. Le film avance sans à-coup, sans retournement de situation dans un scénario ultra balisé, sans même d'émotion. Les enjeux sont maigres. Les scènes d'action sont terne, le finale est filmé dans un nuage de fumée où tout est suggéré.

Pendant le Festival de Cannes où il reçut la Palme d'or, Jacques Audiard expliquait qu'il voulait faire « un film français avec des gens non français qui viennent d'un univers non francophone » (entretien dans le magazine Première). Dheepan brasse au moins trois genres à la fois. Drame familial : lui, ancien chef de guerre se voit attribuer une femme et une fille de neuf ans pour partir en exil en France. Film de vengeance : le cinéaste se compare à Peckinpah et Les Chiens de paille, film sur l'humiliation d'un homme par tout un village. Film social : la banlieue, c'est pas rose. C'est même pire que le Sri Lanka, clament en chœur la mère et sa fausse fille. Le film est tout cela à la fois, sur le mode du saupoudrage volontaire mais un peu vain. Le film n'est pas grand chose. Ce scénario aurait été plus adéquat pour une série télé.

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