lundi 31 août 2015

Scream (Wes Craven, 1996)

 
Quand Scream est sorti au tout début de l'été 1997, personne ne se doutait de l'onde de choc que le film de Wes Craven provoquerait. Le cinéaste sortait d'une période molle, sans succès, oublié de tous malgré deux films plutôt intéressants, Le Sous-sol de la peur et Freddy sort de la nuit (mieux décrit dans son titre original Wes Craven's New Nightmare), deux réflexions sur les racines de l'horreur et leur contagion dans la culture populaire. C'est cela le sujet profond de Scream. Ce qui ne devait donc être qu'un quelconque film estival (par ailleurs interdit aux moins de 16 ans au cinéma) est rapidement devenu le film qui proposait une réflexion métaphysique sur le cinéma d'horreur. Les Cahiers du Cinéma avait mis en couverture le film, déclenchant alors un torrent de lettres d'indignation. La dernière fois que les lecteurs de la revue avaient protesté aussi fort, c'était pour Batman en couverture en 1989. Bien entendu, les Cahiers avaient raison.

La critique avait bientôt relevé ce qui faisait le moteur du cinéma de Wes Craven et de Scream en particulier. Il ne fallait plus se poser la question de savoir qui était le tueur au masque blanc mais d'où il pouvait surgir. Le cinéaste dans la révélation finale se moque allégrement d'ailleurs de ces finales où le criminel confesse la raison de ses crimes. Dans Scream, il n'y a même plus de raison de tuer. Les différentes suspects qui se sont présentés au spectateur, les complexes antécédents familiaux du personnage de Neve Campbell sont autant de manière de donner des fausses pistes. Pourtant, Wes Craven ne prend pas le spectateur de haut, au contraire, il l'incite à comprendre que le cinéma d'horreur n'est pas obligé de rester coincé dans ses carcans. La fameuse scène de théorisation des films d'horreur en fin de film est confronté à la pratique du tueur au masque. Les autres cinéastes vous servent toujours la même soupe, je vais vous étonner ne cesse de clamer Wes Craven.

Si le film fonctionne encore aujourd'hui, près de 20 ans plus tard, c'est précisément parce que le nom du tueur n'a aucune importance. Scream fait sursauter chaque fois qu'un personnage débarque par surprise dans le cadre (ici Skeet Ulrich qui rentre par la fenêtre, là Matthew Lillard qui fait une de ses grimaces), mais ce qui fait vraiment peur, c'est le personnage de Courteney Cox en rapace de la télévision. Pedro Almodovar avait déjà abordé le sujet de la télé poubelle dans Kika, mais Wes Craven montre les rouages de la chasse continuelle au scoop. Le regard de prédateur qu'arbore la journaliste est bien plus pervers que n'importe quel autre. Elle se réjouit de pouvoir montrer ces adolescents, qu'elle juge avec condescendance, se faire trucider. Et si possible avec plein de sang et de viscères. Elle aussi ne se demande pas qui est le tueur au masque mais qui sera la prochaine victime. Et elle fera tout pour être la première sur les lieux du crime.

On le sait, Scream a beaucoup donné d'enfants plus ou moins bâtards. Certains ont même osé reprocher à Wes Craven d'être le fossoyeur du cinéma d'horreur parce que Souviens-toi l'été dernier ou Scary Movie et leurs innombrables sequels existent. Là est la loi du marché à Hollywood. On remarquera que seul Scream est resté dans les mémoires et cela pour au moins deux séquences, en dehors du finale sur la théorie du cinéma « censé faire peur ». L'ouverture du film est un monument du genre. Drew Barrymore qui fait chauffer du pop-corn, un téléphone et un couteau. La séquence d'ouverture a souvent été parodiée. L'autre scène magnifique est celle du reflet dans l’œil du directeur du lycée (Henry Winkler). L'idée géniale de Wes Craven est de faire du spectateur l'unique témoin du meurtre qui va se perpétrer. Le spectateur est ainsi le complice du tueur et, par allégorie, son commanditaire secret, le seul qui tire de tous ces meurtres une jouissance coupable.










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