samedi 25 juillet 2015

En rachâchant (Danièle Huillet & Jean-Marie Straub, 1982)


Quand on me demande quel film de Straub & Huillet je peux recommander pour commencer à explorer leur cinéma, je dis toujours En rachâchant. D'abord, le titre est rigolo avec ce barbarisme et cette allitération, ensuite, c'est l'un des plus courts et pour finir, parce que tout le monde peut le voir sur Youtube. Petite musique atonale sur le générique, dans la cuisine une dame épluche des légumes, panoramique sur l'enfant Ernesto debout qui chantonne suivi du père qui lit son journal. Le reste du film se déroule dans une salle de classe vide où l'instituteur cherche à comprendre pourquoi Ernesto ne veut pas apprendre des choses qu'il ne connaît pas. L'affrontement se poursuit avec les parents devant l'énervement de l'enseignant.

Le film est adapté d'un court récit de Marguerite Duras que les Straub ont adapté sans lui demander son avis. Elle a tenté de leur faire un procès. Dans Conversations en archipel (éditions Mazzotta – Cinémathèque Français, 1999), livre conçu pour une rétrospective sur leur œuvre, on découvre les annotations au stylo rouge de Straub & Huillet, biffant certains passages ou ajoutant d'autres phrases pour parfaire la musicalité des dialogues dans l'un de leur rare film en français. La diction dans un film n'est jamais celle de la vie de tous les jours, elle doit répondre à l’exigence du montage, du hors champ et du plein champ. La naturalité du dialogue n'est qu'une convention, le phrasé des comédiens pousse En rachâchant vers la poétique.

En rachâchant est une comédie, la seule de Danièle Huillet et Jean-Merie Straub. Les cinéastes s'étaient une seule fois vaguement testé à la comédie, en l'occurrence au burlesque, dans une courte scène de Amerika rapports de classe quand un flic poursuit le jeune Kafka, en hommage aux flics Keystone. La comédie d'En rachâchant surgit grâce à l'incongruité des réponses de l'enfant Ernesto aux réponses conformistes des adultes. On montre un portrait de Mitterrand, il affirme que c'est un bonhomme, on voit un papillon, il dit que c'est un crime. L'espièglerie de l'enfant est une jouissance pour le spectateur qui n'aurait jamais osé répondre avec tant d'insolence.

Le film, en noir et blanc composé par Henri Alekan, permet de découvrir ce que j'appelle le cadre straubien. Ses films, au moins ceux tourné en pellicule, sont tous au format 1:33, format carré. Les corps des comédiens occupent les deux tiers du plan, laissant le troisième tiers au dessus d'eux vide, laissant une ligne d'horizon. L'espace n'est jamais clôt. Les inserts sur les mains du professeur procède d'un effet inverse. On ne voit que ses mains lorsqu'il se met à engueuler le gamin, sa tête est hors cadre. La panoramique est une marque de fabrique des Straub (tout Trop tôt trop tard, leur film précédent est en panoramique). Ici, à l'exception du premier plan, tout est en plan fixe. Le montage est rapide menant le récit tambour battant.













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